mercredi 15 février 2017

Les Maisons - Fanny Britt

Dans trois jours, Tessa, agente d'immeuble et mère de trois enfants, a rendez-vous avec un homme.

Entre-temps, il y aura des visites de propriétés, l'essayage d'un maillot de bain, un pont à ne pas briser, des étreintes dans la nuit, des deuils, des rappels de l'enfance, la peur de vieillir dans l'amertume. Cesse-t-on un jour de désirer ce que l'on a si ardemment voulu ?

Roman sur l'amour et la transformation, Les Maisons fouille les drames privés qui se révèlent derrière les portes closes de nos intérieurs encombrés.

  • Auteur : Fanny Britt
  • Éditeur : Le Cheval d'août
  • Année de parution : 2015
  • Nombre de pages : 222 pages
Coup de 
(ou 18/20)

Si la chronique vous semble pas mal plus sérieuse que ce que j'ai l'habitude d'écrire, c'est parce que je l'ai écrite dans le cadre d'un cours de cégep. Toutefois, comme j'ai adoré le livre et que j'aimais bien ma critique, j'ai décidé de vous la partager ;) 

Fanny Britt, ou comment réussir ses rénovations

Fanny Britt est connue au Québec depuis presque 10 ans pour ses pièces de théâtre (Bienveillance, Chaque Jour) et ses livres jeunesse (Jane, le renard et moi, Louis parmi les spectres). Ses lecteurs auront pourtant dû patienter jusqu'en 2015 pour lire son premier roman, Les Maisons, publié aux éditions Le Cheval d'août. Il semblerait que l'attente n'ait pas été vaine, puisque le livre a aussitôt été mis en lice pour plusieurs prix, dont le Prix littéraire des collégiens 2017.

Les Maisons, c'est l'histoire de Tessa, une agente immobilière, tout ce qu'il y a de plus banal. Elle a trois enfants, un mari attentionné et tromboniste ; ils ont une belle maison dans un quartier aisé. Toutefois, un contrat l'amène un jour à vendre la maison de Francis, son amour de jeunesse qu'elle n'a jamais réussi à oublier. Les doutes l'assaillent alors quant à la légitimité de sa vie actuelle. N'aurait-elle pas été plus heureuse dans les bras d'un autre ? Sa vie n'aurait-elle pas pu être plus trépidante ? Vendredi, Tessa a rendez-vous avec Francis. Vendredi, Tessa va décider du reste de sa vie.

Forcément, une telle décision ne se prend pas sans auparavant faire une introspection de soi et de ses choix. C'est ainsi que l'on apprend à mieux connaître Tessa, une femme qui, malgré sa vie parfaite, ressent un vide existentiel persistent. Elle idéalise sa vingtaine et les rêves qu'elle chérissait à ce moment, ce qui l'empêche de progresser au tournant de la quarantaine. Elle s'attend à ce que Francis soit resté le même après toutes ces années, tandis qu'elle a énormément évolué, s'affirmant et s'assagissant au fil des épreuves. Au final, Fanny Britt a réussi à construire un personnage fort et complexe, bien que les motivations de ce dernier ne soient pas toujours clairement établies, notamment à la fin du roman.

Ce qui est d'abord et avant tout abordé dans ce livre, c'est la crise de la quarantaine. Pour amplifier tous les doutes ressassés durant cette prise de conscience, l'auteure joue habilement avec le sentiment de nostalgie. Elle insiste également sur l'importance que pourrait avoir cet adultère pour le reste de la vie de Tessa en anticipant le futur : désormais, le protagoniste ne pourra voir sa vie qu'en fonction de la rencontre à venir avec son ancien amant. L'ensemble est bien ficelé et pousse le lecteur à dévorer le roman en quête de réponses. Malheureusement, la résolution du propos est peut-être un peu mince, mais il n'en reste pas moins que le plaisir de lecture est bien présent tout au long du livre.

On sent l'expérience de Fanny Britt à travers Les Maisons, surtout en ce qui a trait aux dialogues. Son passé de dramaturge lui permet de créer des dialogues courts, mais grandement efficaces, ce qui rythme l'histoire :
— Francis, quelle horreur, cette conversation.
— Je sais. Une de nos meilleures.
—C'est pas drôle.
—Pardon. Je pensais pas à mal. [...]
—Je suis pressée. J'ai un pont dans la voiture.
La narration a, quant à elle, un style plus posé, fluide et truffé d'images saisissantes : « l'explosive disparité entre la déferlante de pensées de marde et le silence abyssal, séculaire, qui m'habitera lorsque [...] je verrai Francis sera si merveilleusement tragique que j'en oublierai jusqu'à mon nom. » Par moment, la plume de l'auteure sait se montrer plus enfantine, quand elle évoque des souvenirs de jeunesse, ou plus comique : «je devais avoir la présence sexuelle d'un sapin de Noël.» On ne peut que constater l'impressionnante polyvalence de Fanny Britt.

Les Maisons nous apprend que ce n'est pas le résultat final qui compte, mais bien ce que nous avons construit pour en arriver là, à l'instar de Fuite, le huitième tableau de la pièce de théâtre Neuf variations sur le vide, de Stéphane E. Roy. Dans cette scène, un couple constate que leur voyage autour du monde est vide de sens après des années de planification. Fanny Britt, elle, bâtit sa métaphore autour d'une maison qui s'embellit au fil des années, au fur et à mesure que les propriétaires l'aménagent avec soin.

En conclusion, bien que la fin du livre soit un peu précipitée, le roman Les Maisons a toutes ses chances de remporter le Prix littéraire des collégiens. On le doit aux prouesses d'écriture de Fanny Britt, à ses personnages attachants et à la véracité de ses doutes existentiels. 

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